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Résumé de thèse

crocher Vincent
Titre : Doctorant.e
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Commande d'un exosquelette du membre supérieur à des fins de rééducation neuromotrice

 

 

1- Contexte et objectif

 

    La robotique de rééducation se développe depuis les années 1970. Les premiers dispositifs étaient dédiés aux membres inférieurs pour la rééducation de la marche. Puis ont été développés de nombreux systèmes dits manipulanda, visant la rééducation des membres supérieurs. Ces dispositifs sont généralement constitués d’un robot série au bout duquel est attachée une poignée que le patient attrape. En commandant le robot, on peut donc déplacer la main du sujet selon des trajectoires définies. Certains de ces systèmes comme le MIT-MANUS (devenu InMotion) ont montrés leur intérêt thérapeutique.

    Cependant, depuis quelques années, l’avancée des neurosciences et des études de rééducation tendent à montrer qu’il est intéressant de travailler non pas seulement au niveau de la main du sujet mais également au niveau des coordinations articulaires appelées synergies articulaires [A.Roby-Brami et al., 2003]. Il parait donc pertinent d’utiliser non plus des manipulanda mais plutôt des exosquelettes qui, de par leurs multiples points de contact avec le bras du patient, permettent de tenir compte de ces synergies articulaires, déficientes par exemple chez les patients hémiparétiques.

    De plus, il a été montré que respecter l'intention de mouvement du patient, permet d’augmenter l’efficacité de la rééducation neuromotrice [N. Maclean et al., 2000].

 

    C’est pourquoi, la question adressée dans le cadre de ma thèse est : comment corriger les coordinations articulaires du bras d’un sujet à l’aide d’un exosquelette, sans perturber le mouvement de sa main ?

 

    Pour répondre à cette question, je me suis intéressé à la synthèse d’une loi de commande pertinente pour la rééducation neuromotrice et à sa validation clinique. J’ai utilisé dans ce cadre l’exosquelette ABLE à 4 degrés de liberté développé au CEA-LIST.

 

 

2- Approche proposée : commande à contrainte cinématique basée ACP

 

    Les synergies sont un moyen pour le système nerveux central de gérer la redondance du membre supérieur [Bernstein et al., 1967]. En effet, le bras qui possède 7 degrés de liberté est redondant par rapport à la tâche. Une tâche de pointage par exemple, ne nécessite que 3 degrés de liberté. C’est sur cette redondance, normalement gérée par le système nerveux central, que la commande de l’exosquelette doit agir.

 

a-Commande proposée

    Pour répondre à la gestion de la redondance du bras et au respect de l’intention motrice du patient, nous avons étudié une idée originale : respecter les synergies en vitesse et non imposer une trajectoire. En d’autres termes, la commande synthétisée permet d’appliquer une contrainte cinématique au mouvement du bras du sujet pour contrôler la redondance sans affecter le mouvement de sa main.

    Concrètement, la loi de commande proposée permet de calculer des couples visqueux appliqués aux axes des moteurs de l’exosquelette. Ces couples visqueux dépendent d’un premier terme purement correctif (tout mouvement ne respectant pas les contraintes cinématiques est contré), et d’un second terme encourageant (les mouvements ne respectant pas les contraintes cinématiques sont amplifiés dans les directions compatibles avec les synergies).

 

Les couples visqueux se calculent alors de la façon suivante :  τ = -k [ C+Cεα (I - C+C) ] q 

Avec :

q : les vitesses articulaires du robot

C : la matrice de contraintes de dimension n x m et C+ sa pseudo-inverse

k : un gain visqueux

ε : un coefficient modulant la quantité de couple non-dissipatif, entre 0 et 1

α : un coefficient calculé pour annuler la quantité d'énergie dissipée par la commande

 

    Les réglages du terme α de sorte qu’il n’y ait pas dissipation d’énergie et du coefficient ε permettent alors de moduler l’aide apportée au sujet.

    Cette loi de commande permet donc de corriger le mouvement d’un patient de sorte que les synergies articulaires soient satisfaites. Par contre, la posture du bras n’est pas prise en compte. Nous avons alors calculé sur le même principe que précédemment des couples non plus visqueux mais élastiques visant à ramener le bras dans une posture synergique.

    Le couplage de ces deux lois de commande avec un réglage approprié de leur poids respectifs permettrait de corriger à la fois la posture et les synergies en vitesse.

 

 

b-Définition de la contrainte

    Un point fondamental dans la mise en œuvre d’une telle loi de commande est la définition de la matrice des contraintes. Une méthode couramment utilisée dans l’analyse des mouvements est la méthode d’analyse en composante principale (ACP) [Daffertshofer et al., 2004 ; Brown et al., 2007 ; Bockemühl et al., 2010]. Cette méthode est principalement utilisée dans l’espace des positions articulaires, nous l’avons donc étendue à l’espace des vitesses articulaires.

    Nous avons alors retrouvé des résultats de la littérature comme le fait qu’un mouvement de pointage ne met en jeu que 3 composantes de l’espace des vitesses articulaires. Par ailleurs, il est apparu que les composantes qui ne sont pas nécessaires pour réaliser la tâche permettent de construire la matrice des contraintes. En effet, les composantes principales utilisées pour la tâche définissent un sous espace de l’espace des vitesses articulaires. La contrainte vise donc à confiner le mouvement dans ce sous espace en définissant la matrice des contraintes C comme étant le sous-espace complémentaire de sorte que Cq=0.

    Ainsi la méthode d’analyse en composante principale permet de définir directement la contrainte à respecter pour faire un mouvement naturel. Dans le cadre de la rééducation, cette contrainte devra être définie de manière à correspondre au mouvement corrigé du patient. Plusieurs approches peuvent-être envisagées pour la définir. On peut appliquer une contrainte médiane entre celle du mouvement pathologique et une contrainte générique. Cette méthode ne tiendrait que très peu compte de la variabilité entre les sujets. Une autre solution consiste à exploiter les mouvements du bras sain pour en déduire la contrainte saine. Dans ce cas, il serait fait abstraction des différences existantes entre les contrôles des deux bras. Enfin, l’analyse pourrait se faire sur les mouvements du bras pathologiques, corrigés par le thérapeute. C’est cette méthode que nous avons choisi d’expérimenter.

 

 

3- Résultats expérimentaux

 

    Afin de valider la commande visqueuse proposée, plusieurs campagnes d'essais ont été menées. Dans un premier temps sur des sujets valides, puis récemment sur des sujets hémiparétiques.

 

a-Sujets valides

    Plusieurs séries d'essais ont été réalisées sur des sujets valides afin d'évaluer la commande. Ces essais visaient à montrer qu'il nous était possible d'appliquer une contrainte cinématique aux coordinations d'un sujet sans pour autant perturber le mouvement de la main du patient lors de tâches de pointage. Les contraintes appliquées, calculées dans un premier temps à l'aide de l'ACP sur les mouvements naturels des sujets, étaient ensuite modifiés arbitrairement, de manière à imposer une coordination non-naturelle.

    Les résultats obtenus ont montré qu'il était possible de modifier cette coordination sans empêcher ni modifier le mouvement dans l'espace de travail du sujet. De plus il a été mis en évidence la possible diminution de l'énergie dissipée par la commande, grâce au terme non-dissipatif.

    D'ores et déjà les résultats encourageant obtenus sur des sujets valides ont permis de commencer des essais sur sujets hémiparétiques.

 

b-Sujets hémiparétiques

    Récemment, une campagne d'essais a été menée à l'hôpital de Garches, en collaboration avec le LNP de Paris 5, avec des patients hémiparétiques. Ces essais visaient à montrer d'une part l'acceptabilité du robot par les patients et d'autre part la faisabilité de la méthode proposée avec des personnes ayant une mobilité déficiente du membre supérieure. Le protocole ne prévoyait pas de sessions de rééducation à proprement parlé, mais simplement un protocole d'une séance par patient, avec des patients ayant des mobilités très différentes.

    Si les données de ces essais n'ont pas encore été pleinement analysées, les premiers résultats sont encourageants quant à l'utilisation d'ABLE et d'une commande de correction des synergies pour la rééducation. En effet, l'ensemble des sujets avec une mobilité suffisante n'ont pas été sensiblement perturbés dans leurs mouvements par l'utilisation du robot appliquant une contrainte corrective. Mais ces résultats nous ont également permis d'observer des comportements du robot, inhérents à l'utilisation avec des sujets hémiparétiques, à améliorer ou corriger pour aller vers de futurs essais cliniques.